l’étoile du nord

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Lili aimerait faire durer le temps. Elle porte un déshabillé en tissu synthétique et reste les jambes nues parce qu’il ne fait pas si froid. Dans la rue, les voitures passent et un chien aboie de temps en temps. Son client n’a pas encore remis ses vêtements et attend. Le petit carré d’un miroir renvoie à Lili l’image de son âge – le reflet des outrages. Entre deux sourires, elle se vide avec sa voix de clarinette, raconte sa vie de…

Nous sommes des solitudes qui se rencontrent. On couche. Deux dans le même pieu, mais on reste seul. Ça ne s’explique pas. On se caresse, nus avec nos sexes au bout des doigts. On se touche, on gémit pour de vrai, pour de faux. On fait la comédie des odeurs, des échanges, de la sueur, mais on reste seul. Tu as gloussé comme un dindon. T’avais l’air égaré. Tant que tu écoutes dans la chambre, je peux croire qu’un autre jour est possible. Que ça serait autre chose qu’un coup payant. Deux solitudes ensemble. Si tu remets ton pantalon. Il faudra bien que tu le remettes. Tu partiras, un regard rapide sur la commode. Pour ne pas oublier les clefs de la voiture ou d’autres choses. Je reconnais toutes les fermetures éclair rien qu’à leur bruit. Un geste rapide, toujours le même. Cette manie de vérifier que tout est à sa place. Ce besoin de sentir que vous repartez avec vos couilles. Tu passeras la porte avec le souvenir d’un nom de pacotille. Celui que je donne en pâture à mes clients. Le vrai, le mien, celui qui était sur le formulaire de baptème. Celui qui se nichait dans la bouche de ma mère. Je le garde comme un secret. Dans tes moments solitaires, je n’aimerais pas que tu jouisses sur l’image de mon ossature et mon vrai nom.

texte intégral / collection seul.e en scène / Atelier Grand Cargo

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