madame Bouh !

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Une traversée. Des rencontres insolites. Alice aux pays des insectes. De la malice, de la gouaille, du rythme, de petites inquiétudes comme des spasmes, du rêve. Un gobelet de glace citron à la main, un sourire sur les lèvres, une émotion perceptible sur la rétine. On ressort ému, samedi matin à La Chaux-de-Fonds, fier d’avoir partagé un fragment de vie. «Madame Bouh», présenté devant une salle Faller archicomble, enchante par l’audace des sentiments crus et nobles véhiculés par Yves Robert.

L’auteur réussit la prouesse de provoquer fantasme et dégoût avec un texte littéraire que les plus jeunes peuvent approcher mélodiquement. On y découvre: «Un homard arboricole, un hérisson avec un mikado sur le dos, une lasagne aux vieilles chaussettes.» La jeune Delphine Courage explique au phasme timide que tout ce qu’il risque en abordant un Dame c’est «un premier baiser».

La douceur et la «saudade», cette mélancolie du Portugal que le français peine à exprimer, irriguent chaque instant de ce spectacle. Le compositeur Claude Berset propose une déconstruction savante qui séduit en inventant. Comme une roulade au citron de notes qui finissent par nous envelopper par la virtuosité communicative de la pianiste Mireille Bellenot et des flûtistes Enza Pintaudi et Helga Loosli. Les trois musiciennes partagent aussi leurs émotions avec les mots et recherchent la complicité du public avec talent.

La mise en scène de Muriel Matile frappe par sa sensualité, son envie de partage, sa fragilité mutine qui sait regrouper ce magma de talent. On regarde la comédienne Christine Chalard-Mühlemann comme une petite fille à la langue bien pendue.

Mais la performance de la comédienne ne se limite pas à jouer l’enfance, elle descend très profond en elle pour trouver l’expression juste. Les costumes inventifs et décalés de Geneviève Petermann et Bernard Jaques ponctuent ce moment de régal.

Alexandre Caldara – L’Impartial le 13 mars 2007