Madame Bouh !

. .

Madame Bouh ! C’est avant tout l’histoire d’une petite fille qui s’appelle Delphine, Delphine Courage, comme son papa, son arrière grand-père et le premier des Courage qui vivait dans une grotte très sombre, très, très sombre. Le papa de Delphine, lui, il a peur des araignées… Et sa maman, elle, elle a peur des accidents de train. Mais Delphine, du haut de ses six ans, n’a peur de rien et elle sait que les vraies aventures n’arrivent pas à ceux qui restent à la maison. La nuit est dans son premier quart, du vent balance les rideaux de la fenêtre et déjà les paupières deviennent lourdes à regarder les ombres au plafond. Delphine s’endort, forte de ses six ans. Les vraies aventures…

extrait

Delphine en narratrice : Delphine est dans le regard bleu de la lune, allongé avec une lumière presque transparente… Un silence bienveillant. La journée a été étrange comme le sont les jours où les grands dissimulent un secret… Ne veulent rien dire aux enfants. Delphine, deux yeux immenses, verts, avec de la malice… Pareille à un chat. Delphine est au lit, sous la couette… Peine à trouver le sommeil, tourne des idées dans sa tête. Elle pense que… Les vraies aventures n’arrivent pas à ceux qui restent à la maison. La nuit est dans son premier quart, du vent balance les rideaux… Déjà les paupières deviennent lourdes, terriblement lourdes. A trop regarder les ombres valser sur le plafond, la petite fille s’endort, forte de ses six ans, forte de son avenir et des mille choses à faire, une fois passée la barrière du jardin… Les vraies aventures… L’esprit s’égare, se libère… Une vieille mine d’or pleine de poussière. Elle espère être dans une de ses cavernes où les hommes fragiles des temps anciens ont peint les gros animaux à poils longs… Peut-être inscrits l’empreinte d’une main sur la paroi… Elle pourra y poser ses doigts, comparer la grandeur, croire que c’est la marque de son arrière arrière arrière arrière, très très arrière-grand-père… Mais ce qu’elle aperçoit…

publication

distribution

musique Claude Berset texte Yves Robert
mise en scène & adaptation Muriel Matile
jeu Christine Chalard, Mireille Bellenot, Enza Pintaudi, Elga Loosli
scénographie & Costumes Bernard Jaques, Geneviève Pétermann
lumière Lucas Schlaepfer

création à la salle Faller à La Chaux-de-Fonds, le 13 mars 2007

presse

Une traversée. Des rencontres insolites. Alice aux pays des insectes. De la malice, de la gouaille, du rythme, de petites inquiétudes comme des spasmes, du rêve. Un gobelet de glace citron à la main, un sourire sur les lèvres, une émotion perceptible sur la rétine. On ressort ému, samedi matin à La Chaux-de-Fonds, fier d’avoir partagé un fragment de vie. «Madame Bouh», présenté devant une salle Faller archicomble, enchante par l’audace des sentiments crus et nobles véhiculés par Yves Robert.

L’auteur réussit la prouesse de provoquer fantasme et dégoût avec un texte littéraire que les plus jeunes peuvent approcher mélodiquement. On y découvre: «Un homard arboricole, un hérisson avec un mikado sur le dos, une lasagne aux vieilles chaussettes.» La jeune Delphine Courage explique au phasme timide que tout ce qu’il risque en abordant un Dame c’est «un premier baiser».

La douceur et la «saudade», cette mélancolie du Portugal que le français peine à exprimer, irriguent chaque instant de ce spectacle. Le compositeur Claude Berset propose une déconstruction savante qui séduit en inventant. Comme une roulade au citron de notes qui finissent par nous envelopper par la virtuosité communicative de la pianiste Mireille Bellenot et des flûtistes Enza Pintaudi et Helga Loosli. Les trois musiciennes partagent aussi leurs émotions avec les mots et recherchent la complicité du public avec talent.

La mise en scène de Muriel Matile frappe par sa sensualité, son envie de partage, sa fragilité mutine qui sait regrouper ce magma de talent. On regarde la comédienne Christine Chalard-Mühlemann comme une petite fille à la langue bien pendue.

Mais la performance de la comédienne ne se limite pas à jouer l’enfance, elle descend très profond en elle pour trouver l’expression juste. Les costumes inventifs et décalés de Geneviève Petermann et Bernard Jaques ponctuent ce moment de régal.

Alexandre Caldara – L’Impartial le 13 mars 2007