Gênes – résidence d’écriture

après trois mois d’écritures, demeurent les premières versions d’un roman et de trois monologues

la nuit du gorille ou être humain, être animal

Un gorille regarde de quelle manière tombent les étoiles filantes, se gratte le nez et pense que la vie est une chose bien ordonnée.

Plus loin, une soigneuse l’observe. Elle préfère la compagnie de ce primate à celle des autres primates : les hommes.

Un météore bouscule leur destin et provoque la rencontre de ces deux êtres.

Gisèle n’est pas une belle femme, elle n’est pas laide non plus. Elle est ce qu’on appelle « un entre-deux ».

Elle avait ardemment souhaité une place de soigneuse au parc animalier de sa ville et, contre toute attente, elle avait réussi à convaincre le directeur des ressources humaines.

Sans céder à ses avances, précisait-elle avec un sourire malicieux.

Cette résistance l’avait cantonnée au simple rôle de nettoyeuse de la maison des primates. Un bâtiment oblong avec une étrange vitrine à son entrée dans laquelle trônait un petit singe empaillé, costume de fanfare rouge et boutons dorés. Selon la légende, sur une étiquette rédigée à la main, il était affirmé que la bête était morte de la grippe espagnole.

Danaé sur le rivage

monologue pour une comédienne

Dans la mythologie, Zeus se glisse dans la couche de Danaé sous la forme d’une pluie d’or et la féconde d’un garçon, Persée.

Le père de Danaé, Acrisios, renvoie sa fille et son petit-fils dans un coffre qu’il abandonne à la dérive sur la mer.

Dans ce monologue, Danaé, depuis le rivage imaginaire d’une ville, un trottoir situé devant une route à grande circulation.

Elle interpelle les passants avec gouaille et cruauté.

Pleurniche afin d’obtenir une pièce, mais ne peut s’empêcher de révéler, avec lucidité, l’âme de chaque badaud, s’arrêtant ou s’enfuyant.

le petit silence de la nuit

monologue pour une comédienne

Élodie, agente d’information dans un centre commercial, détaille le quotidien d’une journée ordinaire vécue par une jeune femme, depuis le réveil, la douche, et tous les gestes de la banalité jusqu’au soir en attendant le petit silence de la nuit.

Pourtant, cette journée est particulière.

Élodie l’affronte en se répétant qu’elle n’a pas peur.

l’entrée au port

monologue pour un comédien

Lors du procès pour viol, à la fin du réquisitoire du procureur, l’accusé se tient devant une grande fenêtre et regarde la ville à ses pieds.

La stratégie mis au point avec son avocat se déroule à merveille.

Ils sont optimiste pour le verdict.

Soudain, un perroquet, désorienté, percute la vitre et tombe au sol, mort.

L’accusé est troublé et il décide de ne pas laisser la plaidoirie à son avocat.

Il la présentera lui-même, avec ses mots.

Il n’aime pas les perroquets.

journal de résidence et expérimentation

la tenue d’un journal photographique et sonore

Lorsque la lumière le permettait, j’ai réalisé quelques photographies à l’aide de mon téléphone portable, en noir et blanc, pour illustrer ma résidence.

Ces images sont parfois agrémentées avec des enregistrements sonores réalisés sur le moment

à découvrir sur le GrandGazomètre

expérimenter une traduction

Curieux défit que de traduire une pièce en italien alors que je ne parle pas cette langue.

C’est avant tout la recherche d’une musique que je ne connais pas, et qui étonnamment m’a obligé de repenser la musicalité francophone du texte de départ.

Je suis incapable de savoir ce que vaut cette traduction laborieuse, mais je sais qu’elle a changé mon écriture.

Et j’aime entendre la musique du titre en italien…

mille notti o guardare le rane nuotare

veillées avec lecture au Grand Cargo, cet automne

L’écriture est un voyage sédentaire et solitaire dont on rapporte des impressions, l’espoir d’une explication du monde.

L’écrit se partage, c’est le moment où le travail cherche son sens, parce que le sens de cet acte existe principalement par le ressenti des lecteurs ou des spectateurs. L’écriture sans la transmission de l’écrit est un miroir sans reflet.

Comment savoir quel humain nous sommes, si nous refusons le regard de l’autre ?

Au mois d’octobre, je proposerai aux spectateurs quelques soirées de lecture des écrits de Gênes, quel que soit l’état du travail.

Cela fait partie de la nécessaire prise de risque afin de se connaître.

Juste après l’ouverture des portes, un visiteur s’était accoté à la baie vitrée donnant sur la maison des gorilles, sans se préoccuper le moins du monde des locataires. L’endroit sembla confortable à l’intrus pour entreprendre la lecture d’un essai, La condition de l’homme moderne par la philosophe Hannah Arendt.

Intrigué, Édouard s’approcha. Il s’installa de l’autre côté  du vitrage adoptant, une parfaite symétrie de position, apparaissant comme le reflet démesuré du lecteur. Par intermittence, la bête jetait des coups d’œil par-dessus son épaule velue et restait fascinée par le mouvement et l’élégance des pages tournées, puis par la surprise renouvelée, à chaque changement, d’un dessin différent formé par l’agencement de l’écriture. Sous son regard et sans en comprendre la cause, la ponctuation, les voyelles et les consonnes commencèrent à s’ordonner dans les flots d’une rivière de phrases. Édouard déchiffra graduellement les propos de la philosophe comme un explorateur découvre, grâce à l’intuition, son chemin au travers d’une carte imparfaite.

À midi, il savait lire.

le résident

  • Yves Robert
    habite La Chaux-de-Fonds en Suisse. Il est l’auteur de vingt pièces de théâtre, ainsi que deux adaptations de romans destinées à la scène.

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