le livre des tempêtes

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En Sibérie la guerre civile fait rage; un enfant échappe à la mort; il croise le regard d’une prostituée et se retrouve parmi les bagages de l’armée française. Commencent pour lui les apprentissages: la langue et le travail; commence un parcours qui le mène de Tientsin en Chine jusque sur les côtes de France, par une nuit de tempêtes, une nuit froide et terrible de l’automne 1941. Et dans ces ténèbres, il y a du vent, des étoiles brisées, de la musique et des fantômes, de la mémoire, des âmes perdues, des lumières sombres et des restes de métal éclatants; de l’or. C’est la vie d’un homme avec ses bourrasques, ses joies, ses plaisirs, son courage, ses malheurs, ses effondrements et sa fin.

extrait

Edgar : Ich suche das Haus von Herrn Heinrich Furtwängler, das Haus von Herrn Heinrich Furtwängler, bitte ?

Les voix du monde : Tant de briques, un labyrinthe. Rostock, un port sur la Baltique. Les cathédrales rouges, des flèches enfoncées dans le cœur du ciel. Des nuages trop bas, une terre plate où se confond la mer avec les cultures d’orges.

Edgar : Ce mal, rien ne l’apaise.

Les voix du monde : Reste concentré. Das Haus mit einer blauen Linie aus Ziegelsteinen über der Tür. Rostock, 1932. Une maison avec une ligne de briques bleues au-dessus de la porte.

Edgar : Herr Furtwängler ?

Heinrich Furtwängler :  Herr Amiot ? Junger Amiot, le jeune Amiot… Rien ne vous oblige à garder votre valise, posez-la… Votre chambre est à l’étage. Sara a préparé un café sucré avec du lait, dans le salon. Vous nous retrouverez, je vous présenterai Sara. Je parle français, ça vous va ? Votre chambre est à l’étage, une porte bleue avec un canard dessiné sur le « plastron ». De la fenêtre, vous pouvez apercevoir la digue, elle protège de la mer… Montez, Montez… Mon français va ? Toujours autant de jonques sur le Grand Canal ? Toujours les femmes avec les lanternes, à petits pas, comme des canards ? Je l’ai un peu perdu, je n’ai plus parlé français depuis 18… Mon français va ? Ne répondez pas , racontez tout au salon, avec le café, je vous présenterai Sara. Le maître de l’or s’habille-t-il toujours à l’anglaise ? Ces affreux costumes de la concession ?

Sara : Montez dans la chambre, Monsieur Amiot, il ne vous laissera pas tranquille… Je suis Sara, il nous présentera après, au café, montez, je vous dis.

Les voix du monde : Il pleure.

Edgar : Je n’avais plus entendu sa voix. Toujours claire. Son odeur, son odeur revient, son sourire.

publications

distribution

Texte Yves Robert
Mise en scène Julien Barroche
Jeu Christine Chalard, Olivia Seigne, Fred Mudry, Mathias Glayre et Daniel Wolf
Scénographie Jean-Claude Maret
Lumière José-Manuel Ruiz
Costumes Janick Nardin et Caroline Chollet
Coatching vocal Gaëlle Graf
Administration Jean-Yves Zufferey

Photographies Linda Pfammatter

création au Petithéâtre de Sion le 11 septembre 2008 / Production Cie Gaspard – Sion / Partenariat Cie Fantôme

presse

Yves Robert raconte le voyage houleux vers un choix d’humanité

«Le livre des tempêtes», pièce du Chaux-de-Fonnier Yves Robert, sera vendredi et samedi au théâtre du Pommier, à Neuchâtel. Sur fond historique, un travail sur la mémoire et son influence sur le cheminement vers la conscience.

«J’aime utiliser l’Histoire comme décor. Cela permet de faire évoluer les personnages, de les soumettre à des pressions qu’on ne trouve pas forcément d’ordinaire». L’auteur et dramaturge Yves Robert signe en effet une troisième pièce, «Le livre des tempêtes», dont le personnage central traverse une période houleuse de l’Histoire, de la guerre civile en Sibérie à la 2e Guerre mondiale. Mise en scène par Julien Barroche, elle sera interprétée par la compagnie valaisanne Gaspard vendredi et samedi, au théâtre du Pommier à Neuchâtel.
Créée en septembre à Sion, la pièce «Le livre des tempêtes» s’est écrite dans une optique d’échange avec la compagnie Gaspard et le metteur en scène. «C’était un peu un travail de ping-pong. Je présentais mes textes de façon régulière à la compagnie. J’avais ainsi accès à de premières réactions, et je pouvais aussi nourrir mon texte par rapport à la voix des acteurs», raconte Yves Robert. «Mais l’écriture est restée mon domaine».

Une forme d’écriture théâtrale que l’auteur Philippe Renaud dans sa postface du «Livre des tempêtes» rapproche plus du roman, du conte. Chez Yves Robert, point d’actes ou de scènes, mais des parties titrées. «Je suis tout à fait d’accord avec Philippe Renaud. Pour moi, le théâtre n’est pas un système cloisonné, avec des justes et des faux: ce sont des expressions différentes. A partir du moment où on est sur scène avec du verbe et de l’action, c’est du théâtre». Le style est lui empreint de poésie: «Les étoiles se sont brisées, du verre scintillant, éparpillé». Un principe auquel tient Yves Robert: «Par la poésie, j’ouvre des images incomplètes, comme si je donnais au spectateur des grilles de mots croisés à moitié remplies. Cela le rend attentif et déductif».

L’histoire, elle, est construite autour d’Edgar, le personnage principal, «un homme banal qui traverse une période extraordinaire», commente Yves Robert. La pièce suit sa trajectoire au fil de ses rencontres, de ses déplacements de Sibérie en Chine, en Allemagne puis en France. Avec en toile de fond, la montée du nazisme. «Edgar devient un personnage amoral. Il vit dans l’insouciance, dans une collaboration de la tranquillité», explique l’auteur. Jusqu’à un point de non-retour, où cette insouciance infantile fait place à une prise de conscience d’adulte. «Il me fallait un moment historique cataclysmique comme l’automne de 1941, où l’Allemagne est toute puissante, pour l’amener à un choix. Et il fait un choix d’humanité».

Mais ce n’est là que l’une des lectures possibles du «Livre des tempêtes». Au thème de la mémoire s’adjoint par exemple celui du livre en soi. Il est lui aussi un vecteur de la mémoire, collective ou personnelle, ce qu’Edgar découvre peu à peu. «Mais il y a aussi la transmission par le spectacle», note Yves Robert. Dans la pièce, Edgar possède lui-même un livre des tempêtes. Mais il n’écrit pas son histoire: les pages restent blanches. «C’est au spectateur de transcrire et de transmettre l’histoire», conclut Yves Robert. /ANC

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