Delphine et le rhinocéros

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les aventure de Delphine discutant avec un rhinocéros sous la véranda du jardin de son grand-père… justement après l’enterrement de celui-ci  

L’Impartial – L’Esquisse à l’ABC

Yves Robert et la Cie Fantôme se sont lancés dans l’élaboration progressive d’un texte. Dernière étape à l’ABC.

Voyages dans le temps avec un rhinocéros polyglotte

En janvier dernier, Yves Robert et les comédiens de la Cie Fantôme ont investi «Le Labo», la salle de répétition du Centre de culture ABC à La Chaux-de-Fonds. Avec, sous le bras, les trois premières scènes d’une pièce, «L’esquisse, ou Delphine et le rhinocéros», élaborée ensuite au fur et à mesure des répétitions, échelonnées sur six mois. De retour à l’ABC, l’équipe boucle ce week-end la dernière étape de cette écriture théâtrale «in progress», qui a bouté l’auteur hors de son champ théorique pour le propulser dans le champ pratique! Demain, une ultime lecture se déroulera «dans la plus grande simplicité», juste soutenue par quelques ambiances sonores. Laissant, donc, libre cours à l’imagination du spectateur, aiguillonnée par un rhinocéros polyglotte!

«J’ai expérimenté un outil de fabrication théâtrale extraordinaire», s’enthousiasme Yves Robert. «Quand j’ai entamé le travail, je connaissais déjà la fin de la pièce, et les thèmes que je voulais traiter. Mais je ne savais pas par quel chemin on y arriverait.»

Projetés tantôt dans la véranda d’un jardin tantôt dans la savane africaine, auteur et comédiens – Christine Chalard, Samuel Grilli, Jacint Margarit et Laurence Sambin – ont progressé ensemble dans cette histoire qui brasse les souvenirs et avive la douleur, où le passé et le présent se court-circuitent pour créer un paradoxe temporel. Ils ont partagé cette expérimentation avec le public, convié à suivre certaines répétitions puis aux lectures du travail en cours – celles-ci ont attiré entre cinq et 30 curieux, selon les lieux où l’équipe a creusé son sillon. «Nous avons aussi sollicité deux intervenants, Nathalie Sandoz, actrice et metteure en scène, et Julien Annoni, percussionniste.» Autant de regards extérieurs qui se sont avérés stimulants, apprécie l’auteur.

Il ne mettra pas, cette fois-ci, lui-même en scène cette histoire, celle d’une jeune femme amenée à faire le deuil de son grand-père, traitée avec plus de drôlerie que de pathos. Frustrant de s’arrêter ainsi au seuil de la représentation? «Absolument pas, car nous avons créé ‘L’esquisse’ pour qu’un tiers s’en empare: je conçois cette appropriation comme un enrichissement, non un viol!»

DOMINIQUE BOSSHARD

Distribution

Texte    Yves Robert
Jeu     Christine Chalard, Samuel Grilli, Laurence Sambin et Jacint Margarit

Le Pantin – La Chaux-de-Fonds, L’Esquisse – Delphine et le rhinocéros présentation tous publics 22 mai 2012

L’Impartial – L’Esquisse

C’est une première pour les spectateurs comme pour les comédiens. Les uns et les autres se sont réunis, samedi dernier, dans le «Labo», une salle de répétition du Centre de culture ABC, à La Chaux-de-Fonds, pour expérimenter une nouvelle forme de rencontre artistique. Avec «L’esquisse, ou Delphine et le rhinocéros», la compagnie Fantôme a eu l’étonnante idée d’ouvrir l’intimité de son travail préparatoire au public, en exhibant six répétitions qui s’échelonneront sur six mois.

Coup de foudre africain

«Nous sommes des homards qui entrons dans l’eau chaude», s’amuse et s’inquiète l’auteur et metteur en scène Yves Robert, juste avant le début. Parmi les accessoires, les papiers et les câbles des appareils, une dizaine de spectateurs cherchent leur place autour du ruban adhésif qui délimite la scène. Ce sont des proches, des gens de théâtre et quelques curieux.

Texte en main, on se donne les premières répliques: une jeune femme (Christine Chalard) parle de son défunt grand-père à un rhinocéros (Jacint Margarit). Puis le grand-père (Samuel Grilli) apparaît pour rejouer devant sa petite-fille son coup de foudre africain à l’égard d’Adélaïde M’Baïe (Laurence Sambin). Colonialisme, deuil et joie de vivre se superposent comiquement.

Mais Yves Robert interrompt ses acteurs. Il leur demande de reprendre une scène, de lui donner plus de rythme, d’essayer d’autres mots, de les charger d’enthousiasme… De l’enthousiasme, pourtant, on n’en manque pas. Les comédiens doivent souvent s’arrêter, tant les font rire les intonations et les mimiques qu’ils essaient sur le plateau. Le public a l’agréable impression de découvrir en direct le making off de la pièce, sinon son bêtisier!

Ainsi, deux spectacles s’entremêlent: la pièce et le travail de la compagnie. Yves Robert l’a compris: les esquisses sont toujours plus vivantes que les œuvres abouties. «Au terme du processus, notre travail restera une simple mise lecture, un peu améliorée par la mise en scène, de manière à ce que d’autres compagnies puissent, à leur tour, se l’approprier.»

TIMOTHÉE LÉCHOT