le lieutenant de guerre

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Avant sa chute, cet homme était né et vivait dans le monde de la fortune et de la gestion. Il était un lieutenant de guerre dans la finance, une forteresse tranquille et confortable loin des foules, loin de la réalité quotidienne, du métro et du salaire minimum. Il pratiquait une guerre feutrée se déroulant sur les écrans des ordinateurs avec des chiffres qui s’inscrivent et s’effacent par magie. Les carnages qui en découlent se produisent au loin et dans l’indifférence, mais parfois il suffit de regarder pour voir. Alors soudain tout devient factice et émerge un malaise. La conscience, animal assoupi dans l’âme, se réveille et griffe. Pour peu qu’une bouteille de vodka soit à portée de main, s’enclenche la vrille de la déchéance. Comment en sortir ?

extrait

Vous avez ouvert votre porte.
Certains n’ouvrent pas. Les morts, par exemple, ils n’ouvrent jamais.
Une fois ouverte, c’est du vent. Ça fait du froid. Ça traverse de part en part. Sentir le vent. Je veux dire avec les yeux. D’habitude, le froid, le chaud, c’est avec la peau. Ce qu’on touche n’est pas forcément réel. Le froid brûle plus profondément que le chaud.
Il faut regarder pour voir.
Regarder autour de soi.
Aujourd’hui, je ne vois rien. La lumière s’évapore d’entre les étoiles et me laisse le cœur ouvert. Je suis sur une table d’opération. Préparé. La poitrine tenue par les écarteurs. Le cœur prêt à être arraché et remis dans la poitrine d’un autre. Un autre que je ne connais pas. Qui devient moi, parce qu’il a mon cœur. Moi je serai un cadavre qui sèche. Les restes d’une autopsie. Cadavre sans larmes. Je n’arrive pas à pleurer sur ma propre mort. Je ne sais pas si je sers encore à quelque chose. Je ne sais pas si je suis vivant. La douleur qui me vrille les entrailles est incapable de me faire savoir si j’ai une âme. Je me recroqueville sur moi. Je deviens aussi fin que la barbe des plumes.
Savez-vous que les plumes sont faites de barbes ?

publication

distribution

Yves Robert texte et mise en scène
Blaise Froidevaux jeu
Nicole Grédy scénographie
Stéphane Mercier environnement sonore
Samuel Grilli dramaturgie
Janick Nardin costume
Catherine Meyer assistanat
production Cargo15 et Atelier Grand Cargo en partenariat avec le Théâtre du Concert

photographies Catherine Meyer

ce spectacle a été créé le 7 novembre 2018 à l’Atelier Grand Cargo

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